Mc 11, 1-10 – Is 50, 4-7 – Ps 21 (22) – Ph 2, 6-11 – Mc 15, 1-39
Messe du Dimanche des Rameaux (B)
Traditionnellement, le Dimanche des Rameaux nous fait entrer dans la grande Semaine Sainte durant laquelle nous célébrons la mort et résurrection de Notre Seigneur, cœur de la foi chrétienne. La liturgie de ce jour (Écriture, prières, gestes, etc.) est riche en symboles et nécessite que nous nous y arrêtions afin de voir comment ce dimanche des Rameaux est une invitation.
Bien que la Passion du Seigneur soit au cœur de l’Évangile de cette célébration, on peut dire que le texte de l’entrée à Jérusalem (Mc 11, 1-10) permet de comprendre le sens et la tradition des Rameaux dans la pratique chrétienne. L’évangéliste mentionne plusieurs éléments. (1) L’âne qui à cette époque était un « animal domestique des plus estimés par les Israélites[1] » ; (2) les manteaux que les gens dans la foule déposent au passage du Christ à la place de tapis de luxe signifiant sa simplicité ; (3) les rameaux ou palmes coupés des palmiers qui étaient fréquents « dans les pays bibliques, en particulier dans les oasis du désert[2] », mais aussi employés comme « image du juste, de la beauté, de la sagesse. On [les] agitait, en signe de joie, à la fête des Tentes ou pour le triomphe d’un chef victorieux[3]. »
On peut relever dans ce texte de Mc 11, 1-10 plusieurs contrastes signifiants : (1) Un adulte (Jésus) qui monte sur le dos d’un petit âne ou ânon (probablement novice ou inexpérimenté) qui n’a jamais été monté ni appris à se laisser monter. Cela suppose que celui qui le monte, Jésus, prend un risque important, mais aussi, qu’une personne tient l’âne pendant que Jésus le monte. Ceci peut laisser voir que le Seigneur s’appuie sur d’autres, il fait confiance en ses collaborateurs et prend le risque de monter un ânon au milieu d’une foule agitée avec la possibilité qu’il s’énerve. (2) Des personnes présentes dans la foule étendent leurs manteaux au sol pour Jésus en signe de Révérence lors de son entrée à Jérusalem. Or, les rois de ce monde ou les nobles ont des tapis de luxe pour marcher dessus, des chevaux en signe de richesse ou des ânes domptés, etc. Dans le cas du Christ, ce sont des passants qui déposent leurs vêtements sur le sol. Voilà un geste curieux qui peut sembler insensé ou absurde. (3) D’aucuns coupent des feuillages (rameaux) pour étendre au sol ou les agiter au passage de Jésus. Ils n’ont probablement pas de manteaux comme les autres, mais posent un geste de respect et honorent Jésus. (4) Pareillement, Jésus qui entre triomphalement à Jérusalem sur un ânon et acclamé par une foule en liesse va y ressortir quelques jours plus tard traîné dans la poussière, écrasé par le poids de la croix, humilié par les hurlements et les crachats de la foule. (5) Par ailleurs, la foule acclame Jésus en chantant Hosanna ! Elle souligne ainsi « la puissance rédemptrice manifestée dans le Christ[4]. » Ce terme Hosanna a plusieurs sens : « au secours ! » ou « de grâce sauve-nous » et « bienvenu ! ». Aussi, ce fut « une acclamation populaire, équivalent à nos vivats, employée à la fête des Tentes et lors des processions. L’expression pourrait aussi provenir de l’araméen ushenâ : “puissance” et signifier : “louange à”[5]. » (6) La royauté du Christ est reconnue pour quelques brefs instants par quelques-uns, sa messianité est simple et modeste indiquant ainsi un Règne de Paix. Le Christ n’entre pas dans Jérusalem en guerrier conquérant, car son Royaume n’est pas de ce monde. (7) Il n’est qu’un serviteur au service d’un Règne de Paix et d’Amour.
« La Bonne Nouvelle » de ce jour est que « Jésus-Christ, Notre Seigneur, est celui qui vient au nom du Père pour nous sauver ». Il est notre unique Rédempteur et le Dimanche des Rameaux est alors une invitation à lui faire Révérence, à s’incliner devant lui, à se prosterner devant lui, à agiter nos rameaux, à déposer nos mentaux sur son passage. Il n’y a que Lui qui vient au nom du Seigneur et personne d’autre[6] ! Cette invitation à faire Révérence au Christ peut être vécue dans deux lieux concrets. (1) Nos églises sont des espaces qui ont été consacrés pour la prière, la louange à Dieu, etc. Or, nous y entrons souvent sans aucun signe de respect ni de Révérence[7]. Ces lieux perdent progressivement tout leur honneur parce que nous avons perdu le sens du sacré. Puisse donc cette célébration des Rameaux être une occasion propice pour nous de revoir nos attitudes, nos gestes, etc., en ces lieux et y faire Révérence au Seigneur. (2) L’humain, Temple de l’Esprit-Saint (1 Co 6, 19), est aussi ce second lieu où faire Révérence à Dieu. En effet, nous sommes créés à son image et tenons de Lui notre dignité d’hommes et de femmes. Ainsi, lorsque des droits humains sont bafoués de nos jours, c’est Dieu qui est de fait outragé. Voilà un péché grave ! (Mt 12, 32 ; Mc 9, 29 ; Lc 12, 10). La célébration des Rameaux nous invite alors à revoir nos attitudes les uns envers les autres : Comment je fais Révérence au Seigneur à travers mon prochain ? Est-ce que je respecte le corps de l’autre ou je m’en sers à ma guise ou uniquement à des fins personnelles ? Quel regard je pose sur les autres ? Reconnais-je la manifestation et la présence du Seigneur en mon prochain ? (Mt 25, 31-46)
Les différents symboles mentionnés dans Mc 11, 1-10 ainsi que les contrastes qui y sont notables indiquent que Jésus-Christ est celui qui vient au nom du Seigneur pour nous sauver. Comme la foule de Jérusalem, osons déposer nos manteaux sur son passage et agiter nos Rameaux, osons Lui faire révérence dans nos lieux sacrés et face à notre prochain, créé à l’image de Dieu.
© Léandre Syrieix.
[1] Xavier Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1975, p. 114.
[2] [S. a.], Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Paris, Brepols, 1960, p. 1319.
[3] X. Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, p. 404.
[4] Xavier Léon-Dufour, et coll., Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Éditions du Cerf, 1981, p. 683.
[5] X. Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, p. 293.
[6] Toutes les autres propositions (croyances, pratiques, etc.), les divinités actuelles (argent, sexe, drogue, gloire, etc.) sont éphémères et ne durent qu’un instant. Elles ne procurent guère la vie éternelle.
[7] Par exemple, nous sommes plus portés à faire une révérence ou des courbettes à une personne renommée, à bien se tenir en sa présence, pourtant dans nos lieux de culte ou de prière, nous ne posons pas les mêmes gestes. Nous croisons notamment les jambes, envoyons des « textos », buvons nos « Tim Horton », etc. Est-ce parce que nous ne sommes pas suffisamment convaincus de la présence et de l’habitation du Seigneur en ces lieux ?
Soyez le premier à commenter