Aimer : pourquoi et comment ?

Photo : AELF

Ac 10, 25-26.34-35.44-48 – Ps 97 (98) – Jn 4, 1-10 – Jn 15, 9-17

Messe du 6e Dimanche de Pâques (B)

 

Dans la langue française, le mot « aimer » est employé pour signifier plusieurs réalités comme aimer son enfant, son collègue ou aimer son époux. Pourtant en Anglais, il en existe plusieurs comme « like » utilisé pour désigner l’amour envers un collègue, etc., ou « love » pour exprimer l’amour pour son épouse par exemple. Ainsi, certains francophones font très attention avec l’emploi de ce terme voire l’évitent. Or les textes liturgiques du jour nous invitent à aimer et mentionnent à maintes reprises l’amour, celui de Dieu ainsi que celui du prochain. Nous pouvons alors nous demander, d’un point de vue chrétien, pourquoi aimer, comment aimer ?

Saint Jean, dans sa lettre, nous invite à nous aimer les uns les autres parce que « Dieu est amour », parce que « l’amour vient de Dieu » : voilà une Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui. N’est-ce pas là aussi, pour nous chrétiens, une raison suffisante d’aimer notre prochain peu importe ce qu’il nous a fait, quelque soit sa condition sociale ainsi que sa différence : origines, croyances, orientation sexuelle, options politiques, etc. ? Aussi, saint Jean, en plus de nous indiquer pourquoi nous devons nous aimer les uns envers les autres, il nous donne une manière de le faire, celle du Christ. En effet, Dieu qui est amour n’est pas demeuré dans un concept, mais il s’est manifesté à nous, il s’est sacrifié en donnant sa vie pour notre Salut. Ainsi, aimer l’autre à la manière de Christ nous engage vis-à-vis de lui puisque l’amour chrétien est dynamique et non pas statique ; c’est actif et non pas passif ; c’est tourné vers l’autre et non pas replié sur soi.

Dans l’Évangile du jour, le Christ commence son propos, par la conjonction « comme » qui a le même sens que « de la même manière que ». Ainsi, dans cette phrase, « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimé » (Jn 15, 9), le Christ nous invite à aimer le prochain « à la manière du Père » ou encore « de la même manière que » lui. En ce sens, soyons des « imitateurs » et « imitatrices » du Christ. Cela est possible grâce à des moyens concrets. Par exemple, prendre l’habitude de « dire » à des personnes que nous côtoyons tout l’amour que nous avons à leur égard. En effet, nous sous-estimons souvent la force des mots, plus particulièrement les effets positifs de ce mot, aimer, quand il est prononcé. Si nous faisons une relecture de notre journée ou bien du jour précédent, combien de fois avons-nous dit à des personnes (proches, inconnus, ennemis) que nous les aimons ? Rappelons-nous que « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » Nous pouvons alors constater qu’il y a un lien indissociable entre l’amour de Dieu et celui du prochain.

Saint Pierre, dans le livre des Actes des Apôtres, nous présente un autre moyen d’aimer à la façon de Dieu, c’est-à-dire de manière impartiale : « Dieu est impartial : il accueille, quel que soit la nation » (Ac 10, 34-35). N’est-ce pas là une invitation à dépasser nos barrières actuelles ? Celles de la religion, de la culture, des idéologies, etc. ? En effet, il s’agit de percevoir dans le prochain un reflet de Dieu ou encore de s’émerveiller devant la manifestation des dons de l’Esprit Saint en l’autre. Ainsi, aimer le prochain ne consiste pas uniquement en des paroles, mais aussi en des gestes concrets, par exemple en l’accueil de l’autre dans sa différence. Aimer ce n’est donc pas seulement « dire », mais c’est aussi « faire ». Cela nécessite un passage des paroles aux actes[1].

De fait, si nous affirmons aimer Dieu, alors osons « dire », daignons montrer ou manifester cet amour par des gestes concrets[2] à nos proches, même à nos ennemis dans la mesure où « l’amour du prochain […] consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais même pas.[3] » Dans les faits, cela est parfois difficile, mais ce n’est pas impossible. « Cela ne peut se réaliser qu’à partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus-Christ[4] » voire du Père : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimé. » (Jn 15, 9) La vocation humaine c’est l’amour puisque nous avons été créés par amour ; et pour cette raison, nous sommes portés à aimer. Ainsi, créées par amour nous ne pouvons vivre sans amour : ou nous aimons Dieu, ou nous nous aimons et aimons le monde… »[5]. Lorsque cela est au-dessus de nos forces, tâchons de recourir à la prière parce que « l’humain a une belle fonction, celle de prier et d’aimer… Voilà [son] bonheur sur la terre. »[6]

© Léandre Syrieix.

[1] En d’autres mots, on ne peut aimer le prochain sans témoigner, c’est-à-dire sans le lui dire et le lui montrer. Et ce témoignage est cohérent lorsqu’il s’incarne dans toutes les sphères de la vie humaine.

[2] Un regard, une salutation, une accolade, une pognée de main, une attention particulière, une lettre, une visite, etc.

[3] Benoît XVI, Dieu est Amour. Lettre encyclique Deus Caritas Est du souverain pontife Benoît XVI, Paris, Bayard Éditions/Centurion, Fleurus-Mame et Les Éditions du Cerf, 2006, p. 39.

[4] Ibid., p. 39-40.

[5] Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney Curé d’Ars. Sa pensée – Son coeur, Paris, Cerf, 2006, p. 72.

[6] Ibid., p. 92.

1 Commentaire

  1. C’est un beau texte qui fait réfléchir.
    Chaque jour, je prie Dieu de me donner la force d’aimer. L’échec de l’amour brise les humains. Mon échec fut si grand que je me suis enfoncée vers les ténèbres. Un ange de Dieu m’y a trouvée. Sa main m’a retenue, m’a relevée. Le Saint Esprit me fait pleurer lorsqu’il me nettoie de se manque d’amour que je n’ai pas été digne de donner. La faille est grande dans le coeur de l’humain, mais, malgré cela, Dieu ne m’a pas abandonnée. Il m’a appris à aimer autrement, plus fort, au-delà du réel, à sa manière. Un grand merci pour ce beau texte M. Syrieix.

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